localisation
programme : réaménagement de la place du bourniau de 2 150 m², construction d’une halle de marché de 110 m² et construction d’un bâtiment de 4 logements et un commercre à novalaise – savoie
projet lauréat 2022 du prix architendance / la tuile terre cuite.
maîtrise d’ouvrage : ville de novalaise / compagnie d’architecture nouvelle
maîtrise d’oeuvre : pateyarchitectes (architecte mandataire / économiste), stebat (be structure), cet (be fluides), canopée (be environnemental – breeam assessor)
mission : base + exe
surface utile : 3 000 m²
calendrier : concours 2018, livraison 2022
Principale(s) composante(s) du programme
La commune de Novalaise était propriétaire d’une ancienne bâtisse qui abritait un commerce et des logements. Au gré du temps, ce témoin vernaculaire s’est détérioré et sa démolition fut inéluctable. Les abords mis en œuvre dans une pure logique routière réduisaient l’espace public à un vulgaire carrefour.
Au fil des interrogations sur le devenir du cœur de village, plusieurs projets de promoteurs furent proposés sans qu’aucun ne séduise les élus. L’échelle, liée à la rentabilité, n’était pas en adéquation avec la typologie du bâti environnant.
Le conseil municipal décida de lancer un appel à projets. Sans programme, chaque équipe retenue avait la liberté de proposer ce qui lui semblait le plus en concordance avec le site.
Après une analyse des besoins collectés auprès des habitants, il s’avéra que le pharmacien était à l’étroit en ses murs, que la proposition de création d’une halle de marché eut un accueil favorable, que la proposition de quelques logements était bienvenue et que le besoin de substituer le carrefour par une place s’imposait ; nous avons alors initié notre conception.
Le programme fut donc établi de manière collective et confirmé sur la base des premières esquisses ; il comportait in fine :
– La restructuration de l’espace public par la création d’une place (2 300 m²),
– La création d’une halle pour le marché couvert et les manifestations festives (110 m²),
– Une pharmacie (130 m2 ),
– Quatre logements en accession libre (250 m² de shab).
Ne voulant être maître d’ouvrage du commerce et des logements, la commune limita sa commande à la halle et à l’espace public. La Compagnie d’Architecture Nouvelle, producteur d’architecture, partenaire de Pateyarchitectes, accepta de porter le programme de l’habitat et du commerce.
Contraintes du site
Petit projet mais gros enjeu.
Avant l’aménagement du site en carrefour routier, l’espace dédié au projet identifiait le centre du village. Le marché s’installait en ce point de convergence des voies, plusieurs bars le cernaient et, sans hiérarchie des usages, la place vivait ; elle était le centre de gravité de Novalaise. Une auberge ferma, sa marquise fut détruite, un bâtiment fut abandonné et vint le choix de donner la priorité aux voitures et aux camions.
Ces faits signèrent la fin de l’attractivité de cet espace public.
Consciente que ces orientations passées dégradèrent les pratiques fédératrices villageoises, la collectivité mit en place son choix de partenaires avec la méthode précitée.
Les élus municipaux décidèrent de supprimer une voie qui débouchait sur la place, comme un garrot, pour réduire l’épanchement du flux motorisé.
Après les péripéties passées vint la destruction d’un bâtiment insalubre, survivant des origines. L’espace était en attente, il flottait. Pour construire le vide, nous avons proposé d’en bâtir les limites avec les éléments du programme que nous avions collectivement définis.
Peu enclins à accepter une architecture qu’ils qualifiaient de “moderne”, les édiles manifestèrent un désir d’inclusion des formes traditionnelles se référant aux constructions avoisinantes. Pour parfaire la compréhension des diverses propositions architecturales, nous avons eu recours à la production de maquettes. Ces outils en 3D traditionnels restent les plus appropriables par tous. Nous avons inséré chaque proposition dans le contexte élargi que nous avions préparé et pu débattre de la future implantation, de l’échelle juste du projet et mettre tout le monde à égalité pour l’exercice complexe que peut être la lecture de la représentation architecturale.
Tout site à ses contraintes ; celles-ci sont les meilleures béquilles pour faire avancer un projet et écarter le vertige de tous les possibles mais dans le cas présent, la difficulté majeure était de concevoir avec les futurs usagers, d’apprendre ensemble les vérités du lieu et de faire corps pour proposer une juste réponse en termes d’échelle, d’usage et d’écriture architecturale.
Idée forte du projet et ses principales déclinaisons
Pour compléter le dispositif qui préfigurait la place avec ses bâtisses existantes, nous avons proposé de terminer de l’embrasser avec les éléments du programme. Le volume est similaire à ceux des alentours, avec des formes franches glissées sous des toitures affirmées. En traçant les contours du nouveau bâtiment, nous l’avons conçu comme un élément monolithique. Dans un second temps, nous l’avons franchement tranché ! Coupé, entaillé, pour laisser place au passage de la route. Cette route, elle a toujours existé ; elle figure sur les plans les plus ancestraux que nous connaissons. Alors, comme pour une rivière qui tôt ou tard reprendra son lit, nous n’avons pas détourné la route. Elle se glisse dans la coupe, impose de lever le pied de l’accélérateur, franchit la porte d’entrée du village.
La place est posée sur une nappe minérale sobre sans variation de matériaux. Elle est parsemée de blocs, comme extraits des murs de la halle. Ils sont bancs, ils sont limites, ils sont cadres de la signalisation. La fontaine a retrouvé son implantation d’antan. La place est là. Les piétons déambulent, les terrasses prennent possession du lieu, vélos, tracteurs et voitures passent, le carrefour s’est effacé.
Il ne s’agit pas de dupliquer, d’imiter, de céder à la vulgarité de l’originalité. Dans les villages peu coutumiers de l’arrivée de nouvelles constructions, il faut avancer à pas feutrés. Être doux sans être mou.
Commentaire sur la qualité de la relation entre le maître d’ouvrage et l’architecte
Comme évoqué ci-dessus, il s’agit plus d’une fusion, d’une dilution entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre que d’une relation habituelle entre commanditaire et concepteur. Pour rendre l’opération possible, le maire et son équipe ont joué le jeu en partageant la maîtrise d’ouvrage avec une entité privée, la Compagnie d’Architecture Nouvelle (CAN).
Cette dernière est une émanation de notre agence d’architecture. Elle est juridiquement indépendante. Elle a été créée pour doter notre agence de son propre outil de production.
Certains promoteurs aimeraient intégrer en leur sein des architectes. Nous, nous avons créé notre organe de production pour conforter notre activité de conception.
C’est désormais une vieille histoire pour la CAN, créée en 1990, mais elle est similaire à celle des maraîchers qui, aliénés par la grande distribution, ont préféré faire ce qu’ils pensaient être conformes à leurs idées en raccourcissant le circuit du producteur au consommateur.
Avec ce groupe, mairie, CAN et équipe d’ingénierie, nous avons donc co-conçu et co-produit la nouvelle centralité du village.
Système de construction et matériaux utilisés FINI
Le gros-œuvre réalisé en voiles de béton sur semelles filantes assure la double fonction de structure et d’enveloppe. L’isolation intérieure est retenue pour doter le bâtiment d’une peau minérale épaisse, lisible comme massive, rugueuse et protectrice. Les bâtis proches étaient édifiés en pierres enduites, en pisé ou en béton maigre grossièrement banché. C’est à cette dernière variante constructive que nous empruntons le vocabulaire. Au décoffrage, les voiles sont lavés à très haute pression pour révéler leurs agrégats et sont laissés en l’état. Quand leurs localisations l’autorisent, les murs intérieurs bénéficient du même traitement. Le socle maçonné porte une charpente en épicéa massif, assemblée de manière traditionnelle. Dans le corps de la halle, le squelette de bois révèle son système constructif sans pudeur. Il est la résultante des contraintes d’un chapeau sur une tête trapézoïdale. Pour satisfaire l’insertion de la forme atypique du bâtiment, qui en devient deux puisque coupé, les pentes et gabarits du toit sont en écho avec leurs voisins. En résumé, l’ouvrage est un gros toit porté sur un socle minéral, comme les bâtiments de la campagne alentour. Ce volume, couvert de tuiles en terre cuite, s’inscrit dans le village sans le bousculer. Il est cousu au tissu de ce qui préexistait avant son arrivée. La tuile est la filiation principale avec les toits de Novalaise. Elle en est le liant de par sa matérialité, ses vertus techniques et l’histoire d’une production locale aujourd’hui abandonnée. Les logements se nichent dans ce toit habité, la tuile en est l’épiderme, elle capote un complexe isolant auquel elle participe grandement par son inertie thermique. Pour renforcer depuis l’espace public la lecture d’une masse pixellisée en terre cuite, les fenêtres de toit sont disposées sur les pans non perceptibles de la place et de la rue principale. Les autres matériaux, aluminium, verre et acier, sont destinés à se fondre dans les murs, la discrétion est leur vertu.
©images : pateyarchitectes | ©photos : studio erick saillet